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Frédéric Prigent
12 mai 2018

Autisme et emploi : une nécessaire réforme de la visite médicale

Dans le long parcours du combattant menant, pour les plus chanceux, à l'emploi, la visite médicale d'embauche constitue un verrou méconnu quoique souvent fatidique pour les candidats autistes. Bien que, une fois de plus, il n'existe guère de données chiffrées et par-delà l'étonnement pouvant être suscité par semblable affirmation, le nombre de candidats ayant franchi avec succès la longue liste des étapes menant à l'embauche pour en fin de compte être dépossédés de l'aboutissement naturel de leurs efforts et mérites du fait d'une déclaration d'inaptitude à l'issue de la visite médicale d'embauche est trop important pour être négligé, et ce aussi bien dans le secteur privé que public. Lors de la rédaction des présentes, le cadre juridique de la visite médicale est en pleine mutation, du fait de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 dite « Loi Travail » et de ses décrets d'application. Si les effets tangibles de ces évolutions sur les sujets qui nous intéressent ici ne sont pas encore tout à fait stabilisés, l'assouplissement du caractère impératif de la visite médicale telle que nous la connaissons pourrait mécaniquement diminuer le nombre de cas de personnes autistes déclarées inaptes dans un esprit de précautions excessives pour ne pas dire de méconnaissance de leur état. Ceci étant, cette réduction quantitative prévisible des obstacles potentiels sur le chemin vers l'emploi ne concerne pas ce qui devrait représenter l'autre grande mission de la médecine du travail, à savoir que cette dernière soit source de conseils et de bonnes pratiques quant au bon déroulement de la vie professionnelle de l'employé. La prise en compte de l'autisme du point de vue de la médecine du travail, en particulier lors des phases d'embauche, pourrait s'articuler autour de trois niveaux. Sur le plan purement formel, premièrement, un rappel officiel des grands principes s'impose, selon des modalités juridiques à définir mais en tout cas susceptibles de permettre une large diffusion ainsi que l'invocation directe de leur teneur par les personnes concernées ou des collectifs associatifs : ainsi, il conviendrait de lever toute ambiguïté sur le fait que l'autisme, à travers toute sa palette des possibles, ne saurait être en soi tenu pour un facteur déterminant d'inaptitude professionnelle ; que l'autisme ne justifie aucunement le recours au principe dit de précaution, lequel en l'espèce revient généralement à l'énoncé de menaces hypothétiques que la personne autiste pourrait représenter pour les personnes ou les biens, et dont le socle tient communément moins à la connaissance du fonctionnement autistique qu'à son ignorance. Dans le cas particulier des emplois publics, notamment ceux issus d'une réussite de la personne à un concours, la cohérence et la crédibilité de l'action publique voudrait qu'une attention particulière soit accordée à ce qu'aucun lauréat de concours ne soit privé d'emploi du fait de son autisme. D'autre part, cette fois à propos de la procédure elle-même, une clause modificative permettant l'implication dans la procédure médicale d'un expert tiers peut être envisagée, le médecin habituel s'exprimant sur la santé de la personne en général et l'expert sur ce qui relève de l'autisme. Cet expert pourrait être par exemple le Centre de Ressources Autisme du lieu, du moins là où il est en mesure de disposer d'une expertise professionnelle, ou encore le centre ayant procédé au diagnostic de la personne – sachant qu'en l'état actuel des choses les diagnostics des personnes autistes adultes ne sont que rarement anciens et de ce fait leurs auteurs lointains. Enfin, et plus fondamentalement, une formation portant sur les questions de l'autisme dans l'emploi pourrait être progressivement proposée à tout ou partie des acteurs de la médecine du travail. L'ampleur de la tâche et les réticences probables ne doivent pas, une fois de plus, être en soi des facteurs de renonciation.

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